De nouvelles exigences règlementaires touchent les entreprises européennes en matière de traçabilité. C’est un phénomène assez récent et profondément lié à la gravité des enjeux environnementaux et humains identifiés dans plusieurs secteurs d’activité. L’objectif poursuivi par le régulateur, en incitant les entreprises à pratiquer une meilleure traçabilité, est de permettre aux entreprises de mieux contrôler leurs supply chains, d’en maîtriser les impacts et les risques sur leurs propres activités.
Cette exigence de traçabilité est un phénomène d’une ampleur inouïe, dont il nous paraît intéressant d’expliquer ici l’intensité, ce qui permettra ensuite de mieux comprendre la complexité opérationnelle à laquelle il soumet les entreprises.
Deux aspects caractérisent ces nouvelles règlementations, et résument d’ailleurs presque à eux seuls l’intensité du phénomène qui se développe autour de la traçabilité :
- Un développement sur un laps de temps assez court
Avant début 2020, c’est-à-dire grosso modo avant la première présentation du Green Deal par l’exécutif européen, la traçabilité se focalisait essentiellement sur l’atteinte d’objectifs de sécurité des approvisionnements et d’efficacité des flux. En trois ans, le regard de la traçabilité s’est considérablement étendu : il se porte bien au-delà du suivi des flux logistiques et embrasse désormais tout ce qui se passe autour du cycle de vie d’un produit.
- Des conséquences particulièrement lourdes pour les entreprises qui ne contrôleraient pas davantage leurs supply chains
Partant du principe que sans une traçabilité optimale l’entreprise moderne ne peut plus fonctionner correctement, les instances européennes ont, dès 2022, commencé à renforcer les obligations faites aux entreprises européennes de mener des diligences raisonnées, incluant tous les maillons de leurs chaînes d’approvisionnement.
La traçabilité permet en effet une visibilité de bout en bout sur le fonctionnement de la supply chain, sans laquelle l’entreprise ne peut pas répondre aux nouvelles obligations en matière de conformité, de reporting, de mesure d’impact et de transparence. Avec le temps, une traçabilité dynamique deviendra une forme de permis d’opérer (« license to operate »), à l’instar de ce que représente l’obligation de tenir une comptabilité pour toute entreprise. On pourrait ainsi résumer l’importance du sujet : sans traçabilité, pas d'accès au marché. En matière de sanction dans une économie de marché, on a rarement vu plus dissuasif.
Pour bien comprendre l’origine de ce phénomène, il est intéressant de se replonger dans un article du World Economic Forum daté de 2020 et qui pointe du doigt des chaînes d’approvisionnement encore beaucoup trop focalisées sur l’atteinte d’objectifs de sécurité des approvisionnements et d’efficacité des flux, au détriment des enjeux de durabilité. Si rien ne change, alertent-ils, il y a un fort risque sur la résilience des entreprises, associé à la dérive des supply chains « devenues très étendues, rigides et dangereusement opaques ».
Est-ce surprenant si, au moment où les experts du WEF faisaient cette analyse, l’Europe votait le Green Deal avec des mesures fortes autour du passeport produit, de la lutte contre la déforestation, et imposait aux entreprises un devoir de vigilance renforcé sur la protection des droits humains ?
Il faut saluer l'avant-gardisme des entreprises qui décident de lancer des projets de traçabilité de bout en bout. Leurs équipes allient une conscience que la transformation des chaînes d'approvisionnement ne peut se faire que par une saine collaboration entre les différents acteurs de la chaîne, à un goût certain pour l'innovation technologique.
Pour faciliter la mise en œuvre de ces projets, nombre de ces entreprises se tournent vers des plateformes technologiques dédiées à la traçabilité. Certaines fonctionnalités s'imposent déjà comme des incontournables et des standards du marché : flexibilité des outils de collecte de données, automatisation des contrôles, suivi des flux de produits et de matières à différents niveaux d'agrégation et collecte de données RSE, pour n'en citer que quelques-unes.
Pour ces entreprises, recourir à une plateforme technologique permet d’adresser 3 facteurs de complexité récurrents sur ce type de projets :
- des données très variées, difficiles d’accès et peu structurées,
- des environnements technologiques disjoints qui doivent néanmoins se parler,
- une diversité d’acteurs avec lesquels il faut construire des stratégies d’onboarding cohérentes dans le cadre d’une chaîne de responsabilité (chain of custody) entre acteurs.
Tous ces sujets s’inscrivent évidemment dans le temps et nécessitent une démarche d’amélioration continue, itérative et progressive, bien connue d’ailleurs dans l’amélioration des processus industriels. Initier une « traceability journey » permet d’adresser progressivement les différents sujets de transparence, de conformité et de contrôle opérationnel, en fonction de leur degré d’urgence ou d’impact sur l’activité de l’entreprise.
Ce qui compte avant tout c’est de démarrer quelque chose, de mettre son écosystème en mouvement afin de créer rapidement les conditions d’une collaboration saine et équilibrée entre les acteurs. C’est aussi à cela que sert un projet de traçabilité : construire une voie de transformation continue. Un article de Tarik Ibnouzahir, Sales Director @Tilkal
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